Une petite incision juste entre les deux côtes... Le sang s'écoule à flots doux, il est flasque, peu fluide et d'un rouge beaucoup trop foncé. Aïe... il l'a touché. Ce petit tuyau couleur écarlate, la chair où un flux de vie voyage vers sa souce ; une artère. Ce coeur, minuscule, est éteint. Gabriel connait le processus. Les vers viendront se repaître de ce qui autrefois était de la vie et qui à présent n'est plus que de la viande, fraîche. Ils s'enfonceront sans difficulté au travers d'une peau visqueuse et vieillie, se faufileront au sein de la carcasse putride et grouillante. Ce moineau si fagile est mort. Gabriel plongea ses mains dans ce corps inanimé pour lui arracher son coeur ensanglanté.
-GABRIEL QU'EST CE QUE TU FOUS ?Sa mère accourue et attrapa le petit garçon par le col le forçant à se relever. Il retira ses mains salies de l'animal, sa génitrice le secouant les yeux ronds, choquée. Il l'entendait. Son coeur. Il était vivant et battait, tambourinait, palpitait avec une puissance et une vitesse extraordinaire. Elle le serrait tellement fort ! Il n'avait que 7 ans, impossible d'y échapper, même en se débattant
comme un diable il connaissait ses limites. Elle fini par le lâcher, se rendant compte qu'il ne servait à rien de faire passer ses nerfs et sa surprise sur son jeune fils. Gabriel allait voir une flopée de psychiatre.
Malgré ce problème de fascination pour la disséquation, il s'avéra être bourré d'intelligence. Perspicace et précoce, il travaillait en silence au fond de la classe, s'ennuyait tant sa facilité à absorber les informations l'avait propulsé au rang de surdoué. Il gribouillait au stylo
noir. Des hommes
pendus, des femmes
décapités, des animaux
éventrés. Au collège il n'avait pour ainsi dire aucun amis, il était bien trop bizarre et discret. Gabriel n'aimait pas se faire remarquer et ne souffrait pas de la solitude... Ce qui était insoutenable, c'était les regards. Ces enfants ne se rendaient pas compte de l'intensité de l'émotion qu'ils arrivaient à faire passer aux travers leur prunelles, dégoutées, effrayées, interessées. C'est à ce moment là qu'il fermait ses paupières très fort. Quand il déambulait au milieu des élèves et des casiers. Pour éviter de les voir, ces yeux.
*PAM*Il se cognait la plupart du temps, c'est pour ça qu'il avait souvent le front tout rouge. Cette fois ci il a eu de la chance... une élève l'a aidé à se relever. Il s'est frotté la tête, a entrouvert un oeil... Heureusement qu'il ne s'agissait que d'un seul oeil. En la voyant son coeur a fait un bond. Pas le même battement que sa mère traumatisée, pas le même battement que ce petit moineau mourrant, une sensation et un rythme particulier qui lui ont fait perdre pied. C'était une cherleader au sourire éclatant, belle et serviable. Ils se sont dévisagés un instant et même si tout ces symptomes inconnues bouleversaient son corps au contact de la jeune fille, Gabriel restait impassible. Il reprit les livres qu'il avait fait tombé lui tourna le dos et s'en alla sans un mot, juste avec ce torrent d'émotions au creux de son ventre.
Ce n'est que quelques jours plus tard qu'il l'a retrouvé, elle était accroupie auprès d'un arbre au fin fond de la cour de récréation, son uniforme bien trop court laissant entrevoir sa petite culotte. Elle s'en souciait peu d'ailleurs elle était couverte de boue et de poussière, concentrée sur quelque chose qu'il ne pouvait voir. Un petit animal mort ! L'oiseau était à moitié déplumé, la cage thoracique ouverte, un nombre incalculable de fourmies noires pullulaient en son centre semblant fuir l'intérieur de la charogne. Elle tourna la tête tout autant surprise que lui. Elle a fini par lui sourire et poser un doigt noirci sur sa bouche lui faisant signe de se taire. Gabriel s'approcha doucement.
*Shhhhhhhht*Ils étaient un peu fait l'un pour l'autre et couvait un amour parfait. Ils étaient victimes de toute les moqueries à cause de leur étrange comportement envers les cadavres, qui leur avait valu un avertissement quand ils avaient été souçonné d'avoir déterré des cerceuils dans le cimetière de la ville.
Un jour elle s'est éteinte. Son coeur aussi s'est arrêté, le sang ne circulait plus, le cerveau avait cessé toute activité. Tout ce qu'il restait c'était ce corps déchiqueté ouvert de toute part. Les accidents de voiture ça n'était jamais beau à voir. Gabriel lui avait tenu la main en attendant les secours qui interviendront trop tard, et il a vu cette petite lueur au fond de ses yeux disparaître à tout jamais. Une métamorphose qu'il n'avait jamais eu l'occasion d'observer. Ce passage mystique de la vie vers la mort.
Le jeune homme a attendu que la morgue soit déserte et s'est faufilé comme une ombre parce qu'il avait besoin de la voir au moins une dernière fois... Il tenait un petit oiseau qui ne cessait de se débattre entre ses doigts tremblants. Gabriel a saisi un scalpel et a observé ce processus pour la deuxième fois de sa vie... une transformation mystérieuse. Il a enfoncé l'instrument à la précision mortelle trouant le coeur de la bête qui poussa un piaillement d'agonie. Ensuite il a retiré son amie de ce drôle de frigo à humains et avec le même scalpel a commencé à découper profondément sur sa poitrine pour atteindre son organe vital. Gabriel a déposé le moineau sur son coeur. A refermé. Recousu. A tout remis en ordre. Est reparti sans un regard.
Cela faisait un moment qu'il travaillait dans la médecine, d'une intelligence exceptionnel il était plus jeune d'au moins 3 ans que le reste de ses collègues. Alors qu'il profitait d'un moment de repos (il était plutot glandeur parfois) il s'est mis à visiter un étage qui n'était pas le sien. Celui où tout débutait. Il ne savait pas si ces femmes criaient autant parce qu'elle sentait leur fin arrivé ou si parce qu'il était SI difficile que ça de donner la vie...
-Roh mais restez pas planté là Dr Peters, venez nous aider !Il haussa les sourcils alors qu'une infirmière l'aggripait par le bras pour le forcer à rentrer dans une salle de maternité. Encore une future maman. Bien évidemment qu'il connaissait sur le bout des doigts la théorie, comment tout fonctionnait, comment faire... Mais là c'était différent. Elle était bien vivante. Et ce bébé qui allait venir au monde... il allait être bien vivant...
Après des minutes d'efforts intenses, POUR LES DEUX, sisi même après une opération de 12h des plus concentrées et délicate sur un patient malade du cerveau pas une seule goutte de sueur sur son front, et là, c'est comme si il avait courru plusieurs marathon. Avec l'euphorie qui en résulte. Gabriel est retourné à ses cadavres et parfois la petite infirmière l'appelle pour l'aider à soutenir ces femmes enceintes pendent l'instant qui sera sans doute le plus décisive pour leur vie future.
Il allait arrêter de chérir la mort comme si elle faisait partie de lui, pas maintenant qu'il avait découvert quelque chose de plus important.